L’AGENT   D’ASSURANCES

ALI JELLOULI

Maitre de conférences agrégé

Doyen de la Faculté de Droit de Sfax

Situé sous le titre ” les intermédiaires ” l’art. 69 du Code des assurances1 a indiqué limitativement les personnes habilitées à présenter les opérations d’assurances au public, et parmi lesquelles il cite 1’agent d’assurances. Celui-ci 2 est défini comme étant ” la personne chargée en vertu d’un mandat ( rémunéré ) de conclure des contrats d’assurances au nom et pour le compte d’une ou de plusieurs entreprises d’assurances ” ( Art. 69-2° C. assur. )3.

De cette définition, nous retenons les éléments suivants qui permettent de mieux déterminer la situation juridique de 1’agent.

Le premier element est la conclusion des contrats d’assurances,  qui  est  un des  aspects de  la présentation  desoperations d’assurances au public 4

L’agent est un intermédiaire qui est chargé du pouvoir de conclure des contrats d’assurances. II se distingue du courtier d’assurances qui n’a pas de pouvoir de souscription puisque sa mission consiste à mettre en rapports des preneurs d’assurances et des entreprises d’assurances ou de réassurances à l’effet d’assurer ou de réassurer des risques . (Art. 69-1 du C. assur.)

L’agent ne doit pas etre confondu avec le producteur en assurances sur la vie, dont l’activité est limitée à la presentation

1       Promulgue’ par la loi n° 92-24 du 9 mars 1992, et entre en vigueur le ler Janvier 1993.

2       Connu en pratique sous le nom d’agent general d’assurances.

3       L’art.  3  du Code d’assurance dispose que  ” l’assurance est contractee avec ou sans mandat “,

4       Cf. sur cette notion l’art. R. 511-1 du Code francais des assurances.

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des contrats et éventuellement à l’encaissement des primes \ même si l’agent d’assurances peut être chargé d’encaisser les primes ou d’une façon générale de gérer les contrats d’assurances qu’ils fait souscrire.

Le deuxième élément c’est que la conclusion des contrats a lieu au nom et pour le compte d’une ou de plusieurs entreprises d’assurances.  C’est  un   mandataire  avec  représentation.   Ceci

apparaît clairement du terme arabe    نائب التامين qui signifie   représentant

d’assurance. Cet élément permet de distinguer l’agent du commissionnaire qui est un mandataire sans représentation, puisqu’il a le pouvoir d’agir pour le compte d’un commettant, mais en son nom propre ( Art. 601 du C.com.) 6.

L’agent d’assurances ne peut être mandaté que par des entreprises d’assurances ayant la qualité de commerçant ( Art. 55. du C. assur. et art. 2 du C. com.). Il constitue ainsi une variété

d’agent commercial (Art. 625 du C. com.)7.

Le troisième élément que l’on peut déduire de la définition de l’agent d’assurances est l’absence de subordination. Certes, il   ”   dépend   plus   ou   moins   directement   d’une   compagnie

d’assurance ” a, mais il est un mandataire, il jouit d’une certaine indépendance dans l’exercice de sa profession. Il se différencie du chef ( gérant ) de succursale 9.

ainsi

5       An. 69 – 3 du C  assur.

6       La représentation n’est pas de l’essence du mandat. Elle n’est pas de la nature ordinaire de ce contrat (Art. 1 104 C.O.C.).

7       En ce sens, Jacques THOMAS, le droit «Je l’entreprise en Tunisie, E.N.A. TUNIS 1971 p. 513, Jean BIGOT cl Daniel LANGE, le nouveau statut des agents généraux d’assurances, Rev. gén. dr. assur.  1996, p. 823 et s..

8       Yvonne LAMBERT EAEVRE, Droit des assurances, 10 éd. Précis Dalloz, Paris 1998 n° 184.

9       Hatem GHARBI, la responsabilité civile de l’agent d’assurances, mém. DE.A., Fact. se. jur. poî. et soc. Tunis  [996-1997, p. 6 et 7.

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Mais la nature juridique du contrat d’agent a fait dans le passé l’objet de vives controverses, du moins en Droit français. La question s’est posée, en cas de révocation de l’agent, de déterminer s’il a droit à des dommages et intérêts. La jurisprudence française reconnaissait généralement que le contrat d’agent est un contrat mixte tenant à la fois du mandat et du louage de services 10. Les pouvoirs publics sont intervenus pour réglementer la fonction d’agent d’assurances.

En Tunisie, deux décrets, l’un de 1946 “, l’autre de 1947 <2 ont consacré quelques dispositions aux intermédiaires habituels d’assurances, dont l’agent n. Puis un arrêté du Directeur des Finances publié en 1950 ‘” a homologué le statut des agents opérant dans les catégories d’assurances accidents incendie et risques divers ( A.I.R.D.) 15.

Cet arrêté est implicitement abrogé. Toutefois, il reste applicable   sur certains points aux anciens agents d’assurance; en

vertu d’une disposition transitoire “\

Actuellement, le statut des agents d’assurances est fixé par le Code des assurances, essentiellement dans les articles 69 à 78 sur les intermédiaires en assurances et qui intéressent particulièrement l’agent. Ce dernier texte prévoit l’établissement

10    Cf.   Jacques   DESCHAMPS,   l’agent   général   d’assurances,   coll.    statuts professionnels, 3è éd. Litec 1975 n° 5 et s..

11    Décret du 14 août 1946, relatif au fonctionnement et au contrôle des entreprises d’assurances de toute nature et de capitalisation, abrogé par la loi de promulgation du Code des assurances.

1 2 Décret du 27 mars 1947 modifiant le régime fiscal des assurances en Tunisie 1 3   Le texte arabe du décret 1946 utilise l’expression j • °j ■ -” n Jjj-c.

14    Arrêté du 4 octobre J.O.T, 1950 p. 1560.

15    L’arrêté de 1950 est une reproduction des dispositions du statut fr. des agents généraux T.A.R.D. homologué par le décret du 5 mars 1949.

1 6 Art. 3 al. 2 de la loi portant promulgation du C. assur.

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d’un traité de nomination-type par l’Association professionnelle des entreprises d’assurances et qui est soumis à l’approbation du ministre chargé des finances. Ces différents textes consacrent de nouveau la condition juridique de l’agent d’assurances en tant que mandataire ( 69-2, 77 et 78 du C. assur. ).

Cet encadrement de l’agent d’assurances par les pouvoirs publics est-il nécessaire et souhaitable ?

Nous croyons que la réponse est affirmative. L’agent d’assurances est un professionnel qui présente les opérations d’assurances au public. La réglementation répond d’abord à un besoin d’exercer un contrôle sur les agents et ce dans l’intérêt des preneurs d’assurances. Il n’est pas souhaitable que n’importe qui puisse présenter des opérations d’assurances au public.

Ensuite, du moment que l’entreprise mandante détient la propriété du portefeuille des contrats d’assurances souscrits par l’entremise de l’agent et qu’elle peut le révoquer quand bon lui semble ( art. 1160 C.O.C.), il convient de protéger cet intermédiaire contre cette précarité qui résulte de sa situation de dépendance vis-à-vis de l’entreprise mandante. Les rapports compagnie – agents sont ” tout à la fois solidaires et antagonistes ” 18.

C’est sous la pression du Syndicat des agents généraux d’assurances de Tunisie que fût pris le Statut de  1950 19 qui

1 7 Art. 78-1 du C. assur..

1 8 Jean BIGOT et Daniel LANGE, art. précité,   p. 824.

1 9 Cf. en ces sens : Mohamed Habib KNANI, l’industrie des assurances en Tunisie, Thèse doct. Et. Paris I, 1971, p. 159.

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organise la protection des intérêts de ces mandataires    .

L’agent d’assurances est ainsi un intermédiaire qui est à la fois contrôlé (I) et protégé (II) .

I –  L’AGENT  D’ASSURANCES,  UN INTERMEDIAIRE CONTROLE

Le contrôle est exercé à la fois par l’entreprise mandante, et par le Ministère chargé des finances, qui est l’autorité de tutelle des entreprises d’assurances.

Ce contrôle se manifeste d’abord par l’exigence de conditions rigoureuses d’accès à la profession. C’est un contrôle a priori. Mais le Code des assurances ne se limite pas à préciser la nature de ces conditions. Il prévoit le contrôle de leur respect, qui est un contrôle a posteriori.

A Le contrôle a priori

L’habilitation à présenter les opérations d’assurances par l’agent et subordonné à un certain nombre de conditions. Celles-ci sont relatives aux qualités personnelles, à une compétence professionnelle et à une garantie financière.

1-   Exigence  de  qualités  personnelles

Le Code des assurances exige trois conditions. La première

20 En France, c’est sous la pression de la Fédération nationale des syndicats d’agents généraux d’assurances que fut votée en 1927 une loi rapprochant le régime de la rupture du contrat d’agence de celui de la rupture du contrat de travail Cf. Maurice PICARD et André BESSON, les assurances terrestres en droit français, T. II les entreprises d’assurances 4è éd. L.G.D.J. 1977 n° 702, Jacques DESCHAMPS, op.cit. n° 5.

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est la nationalité tunisienne ( Art. 73-1) 21. La fonction d’agent

d’assurances est interdite aux étrangers 22. S’il s’agit d’une société professionnelle, elle doit avoir la nationalité tunisienne. C’est ce que prévoit l’art. 8 du décret-loi de 1961. Mais si ce texte prévoit une dérogation accordée par le ministre chargé des finances, cette réserve ne concerne plus l’agent et les autres intermédiaires en assurances. De même, il y a lieu de s’interroger sur la valeur de cette condition après l’ouverture internationale prochaine du marché de l’assurance.

La seconde condition posée par l’art. 73 du C. assur. est que l’agent ne doit pas être privé d’administrer son patrimoine. Cette privation peut avoir un caractère protecteur. C’est celle qui résulte de l’interdiction pour démence, faiblesse d’esprit ou

prodigalité ( Art. 5 et 6 C.O.C.) “.

Elle peut avoir un caractère sanctionnateur, c’est celle qui résulte du jugement de déclaration de faillite ou de jugement de condamnation pour un seul crime à une peine d’emprisonnement pour une durée supérieure à’dix ans ( Art. 6 C.O.C, et art.

30 C.P.)24.

La troisième condition posée par l’art. 73 C.O.C est l’honorabilité . Celle-ci se rattache à l’idée que l’agent ” soit à même d’exercer ses fonctions dans des conditions telles qu’il inspire toute confiance à ceux qui ont recours à lui 25. La prohibition de présenter des opérations d’assurances au public

21    Cf. déjà. Art. du décret-loi du 30 août 1961 relatif aux conditions d’exercice de certaines activités commerciales ( l’activité d’agent est assimilée à l’activité commerciale ).

22    Cf. droit comparé, Jacques  DESCHAMPS, op.cit. n° 18 p. 40.

2 3 Cf. Mohamed ZINE , Le régime de protection dure jusqu’à la levée de l’interdiction, théorie générale des obligations – Le contrat 2è éd. Tunis 1997 n° 95 et s.

24 L’article 30 est modifié par la loi n° 23 du 27/2/1989.

2 5 M. PICARD et A. BESSON, op.cit. n° 688.

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découle de toute condamnation pour crime ou délit intentionnel.

Le souci du législateur ne se limite pas à l’assainissement du secteur de la distribution de l’assurance. Les dispositions du Code relatives aux différents types d’intermédiaires reflètent aussi le   souci   d’exiger   de   ces   intermédiaires   ”   un   plus   grand

professionnalisme ” 26.

2-  Exigence  de  compétence  professionnelle

L’agent doit satisfaire l’une des conditions de ” capacité ” professionnelle prévues en détail par l’art. 73-6 du C. assur.

Ce texte prévoit l’obtention d’un diplôme qui varie du diplôme de fin d’études secondaires ( le baccalauréat ) au diplôme universitaire de 3ème cycle d’études approfondies en assurance27 , exigence qui doit être combinée avec la justification d’une expérience professionnelle dans le domaine des assurances d’une certaine durée. Le législateur a raison d’exiger de l’agent qu’il soit ” un technicien averti ” 2S . Le droit des assurances connaît des notions qui se ressemblent telles que la suspension et la résiliation,

l’exclusion de risques et la déchéance etc.29. Les polices d’assurances sont de lecture difficile et de compréhension ardue. La compétence professionnelle exigée est nécessaire pour garantir que les preneurs d’assurances soient informés et conseillés de manière adéquate.

Toutes les conditions précitées sont nécessaires pour l’obtention d’une carte professionnelle et l’inscription sur le

26     Mohamed ZINE, Droit du contrat d’assurance, auto-éd. Tunis 1996 n° 42 p.  39.

27     Les  textes  auront  dû  se  contenter du  D.E.S.S.  en  assurances.  D’après  les statistiques de 1992, environ 75 % des agents n’ont pas le baccalauréat.

2 8 Jacques DESCHAMPS , op.cit. n° 4 p. 20. 29 V. art. 4 al. 1er et art. 12-1 du C. assur.

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registre des agents d’assurances . Cette carte ne peut être accordée aux sociétés – civiles – d’agents d’assurances que si les personnes physiques chargées de leur direction et de leur gestion remplissent les conditions précédentes.

3-  Exigence de  conditions financières

Ces conditions sont au nombre de deux. La première consiste dans la possession d’un compte bancaire professionnel, destiné exclusivement aux opérations financières d’assurances, notamment pour le versement des primes.

La seconde condition consiste dans le dépôt d’une somme d’argent à titre de garantie au créancier ( l’entreprise mandante ). L’art. 78 C. assur. l’appelle de façon impropre ” cautionnement”. Il s’agit plutôt d’un gage portant sur du numéraire 31 appelé parfois gage-espèce, et qui n’a aucun rapport avec le contrat de cautionnement ( Art. 1478 C.O.C.).

Le montant de la somme à déposer est fixé par le traité de nomination-type 2.

La loi n’a pas édicté l’obligation pour l’agent de souscrire une assurance de responsabilité civile. La raison est simple, c’est que l’entreprise mandante est civilement responsable des dommages causés par son intermédiaire ( art. 245 du C.O.C.).

3 0 Les agents d’assurances en fonction en 1992 et qui avaient satisfait à la condition de l’agrément du ministre chargé des finances ( Art. 8 du Décret-loi du 30 août 1961 ) doivent obtenir la carte professionnelle et accomplir la formalité de l’inscription sur le registre des agents ( art. 3 de la loi portant promulgation du Code des assurances ).

31    Cf. art. 210 C.D.R..

32    Selon le traité de nomination de la compagnie d’assur. et dr réassur. tuniso-européenne   (   C.A.R.T.E.   )   le   montant   est   fixé   à   3000   D.   pour   l’agent n’ayant jamais exercé et à 5000 D dans le cas inverse.

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Il faut remarquer que le contrôle exercé sur les conditions exigées de l’agent d’assurances tient aux enjeux qui s’attachent à la présentation des opérations d’assurances au public , ” enjeu de collecte d’épargne, enjeu de qualité de conseil, enjeu de protection et de satisfaction du consommateur ” 33.

B Le contrôle a posteriori

Etant un intermédiaire professionnel, l’agent d’assurances est soumis en cours d’exercice de sa profession à un double contrôle.

C’est d’abord un contrôle public exercé par le Ministère chargé des finances. Il y aurait un paradoxe à contrôler les entreprises d’assurances et à laisser sans contrôle leurs représentants.

Outre le contrôle fiscal 3\ l’agent d’assurances est soumis à un contrôle exercé par des contrôleurs des assurances, munis d’un ordre de mission, délivré par le ministre de tutelle. Ces contrôleurs peuvent à tout moment vérifier sur place les agents. Ces derniers sont donc tenus de mettre à la disposition des contrôleurs tous les documents et renseignements qu’ils demandent (Art. 83 du C. assur.).

La carte professionnelle qui a été délivrée à l’agent par le ministre  chargé  des   finances   après  avis   d’une  commission

3 3 Claude RIVE, intermédiaires liés et non liés, Gaz.Pal 1997-1-456.

34 Les intermédiaires d’assurances, dont les agents, sont tenus de présenter à toute réquisition des préposés de l’enregistrement les livres dont la tenue est prescrite par la loi… les polices ou copies de polices concernant les conventions en cours, y compris celles renouvelées par tacite reconduction, ou venues à expiration depuis moins de sis ans… ainsi que tous autres livres ou documents pouvant servir ou contrôle de la taxe : art. 21 du décret du 27 mars 1947 modifiant le régime fiscal des assurances en Tunisie.

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spécialisée peut lui être retirée par cette commission, qui peut aussi procéder à la radiation de l’inscription au registre tenu à cet

effet par les soins du ministère des finances 36.

Cette sanction professionnelle intervient dans les cas énumérés par la loi ( Art. 75 du C. assur.).

D’abord si l’une des conditions d’accès à la profession vient à faire défaut, par exemple si l’agent a été condamné pour un crime ou un délit intentionnel, ou s’il a été privé d’administrer son patrimoine.

L’exercice d’une activité incompatible avec sa profession, une activité commerciale ou réputée comme telle par la loi ( ou celle de V.R.P.). Il commet une infraction pénale ( Art. 89-3 du C. assur.).

Le fait d’engager une entreprise d’assurances alors qu’il a fait l’objet d’une condamnation pour contravention à la réglementation des assurances ( Art. 85 du C. assur.).

L’inobservation de la législation ou de la réglementation des assurances que l’agent est censé connaître, comme s’il a utilisé à des frais personnelles les fonds perçus à titre de primes.

Le contrôle exercé par le Ministère des finances, qui est

effectif 7 vise à protéger les assurés, les bénéficiaires et toute autre personne intéressée à la bonne exécution des contrats d’assurances ( Art. 82 al. 1 du C. assur.).

A côté du contrôle exercé par l’Administration de tutelle,

35    Sur la composition et les règles de fonctionnement de cette commission cf. le décret n° 92-2259 du 31/12/1992.

36    Commet   un   délit   la   personne   qui   exerce   l’activité   d’intermédiaires   en assurances alors qu’elle n’a pas été inscrite au registre la concernant.

37    Cf. les délibérations de la Chambre des représentants, séance du 4 mars  1992 p.  84.

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l’agent d’assurances est soumis à celui exercé par l’entreprise mandante. C’est un contrôle de gestion administrative et comptable. En dépit de l’absence de lien de subordination, l’agent doit se conformer aux directives qui lui sont données quant à l’exercice de ses fonctions.

L’entreprise mandante veille à ce que son mandataire accomplisse convenablement sa mission, et ne porte pas préjudice à ses intérêts. L’agent a un devoir de fidélité aux intérêts de la compagnie mandante. Cette dernière dispose d’un droit de regard sur le compte bancaire professionnel de son agent. Elle peut consulter ce compte. Elle demande le relevé directement à la banque et les pièces justificatives 3S.

L’agent d’assurances commet un abus de confiance qualifié en cas d’appropriation ou de disposition sans motif légitime des fonds reçus au profit ou au nom de l’entreprise mandante ( Art. 90 C. assur.)  .

L’entreprise d’assurances est en droit d’être informée des états financiers de son agent d’assurances. La Cour de cassation française a considéré que le refus de communication par l’agent des relevés de compte est constitutif d’une faute justifiant la révocation 4D.C’est l’obligation de rendre compte (Art. 1136 du C.O.C.).

La révocation de l’agent d’assurances intervient, non seulement en cas de faute professionnelle grave, mais aussi en cas d’insuffisance de production, s’il est établi qu’il n’a pas réalisé un minimum de production.

L’agent d’assurances peut contester le bien-fondé de sa révocation. Nous verrons qu’il est plus protégé que le mandataire ordinaire.

3 8 Cf. en ce sens Hatem GHARBI, mémoire précité p. 56.

39     L’agent encourt la peine prévue à l’ai. 2 de l’art. 297 C. pénal.

40     Cass. civ. 28/11/1995, Rev. gén. dr. assur. 1996 , 487 note D. LANGE.

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II –  L’AGENT  D’ASSURANCES,  UN INTERMEDIAIRE PROTEGE

Tout en intensifiant le contrôle des agents d’assurances, le législateur n’a pas omis de les protéger, car ce sont des mandataires professionnels. Le contrat de mandat qui les lie aux entreprises d’assurance est un contrat d’adhésion. L’agent d’assurance est une partie économiquement faible. L’écrit qui le constate, appelé traité de nomination, doit être conforme aux dispositions du traité de nomination-type établi après consultation des organisations syndicales les plus représentatives des agents d’assurances et approuvé par le ministre chargé des finances ( Art.

78-11 du Code assur. )41.

En outre, et surtout, l’agent d’assurances jouit d’une protection, non seulement en cours d’exercice de ses fonctions, mais aussi à la cessation de celles-ci.

A –  La protection de  l’agent en  cours d’exercice de ses  fonctions

La condition juridique de l’agent d’assurances est clairement définie par la loi puisqu’il est par définition un mandataire de l’entreprise d’assurances. De ce fait, ce;te dernière doit lui rembourser les avances et frais qu’il a dû faire pour l’exécution du mandat ( 1142-1 du C.O.C.).

L’entreprise mandante doit également exonérer l’agent des obligations qu’il a dû contracter envers les tiers. Selon la loi 4\ il est chargé de conclure des contrats d’assurances au nom et pour le compte de l’entreprise mandante c’est-à-dire à son bénéfice, mais aussi à ses risques. H engage l’entreprise qui lui a donné mandat de

41    Le  traité en question  a été  établi   le  22 juin   1993   (   V.  Hatem  GHARBI, mémoire précité p. 2 et 3.

42    Art. 69-2 du C. assur..

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la représenter ( Art. 1149, 1153 et 1154 du C.O.C.)    . Celui qui a les avantages a les charges et les risques ( Art. 554 du C.O.C).

Le législateur a précisé que sous réserve des dispositions du Code des assurances, les rapports entre agents et entreprises d’assurances sont régis par les dispositions du Code des obligations et des contrats et notamment celles relatives au mandat rémunéré ” ( art. 77 du C. assur.). L’agent est donc dispensé de prouver son droit à la rémunération. La présomption légale de gratuité est écartée, car l’agent se charge par profession des services qui font l’objet du mandat. Le principe de la rémunération est énoncé dans l’art. 1114 C.O.C et réaffirmé dans l’art. 77 du Code des assurances.

L’agent a droit à une rémunération pour l’apport des contrats fait à l’entreprise, et éventuellement pour les travaux de gestion des opérations d’assurances.

La rémunération se fait sous la forme de commission, consistant dans un pourcentage sur les primes d’assurances 44.

L’agent d’assurances est un intermédiaire rémunéré qui bénéficie d’une certaine indépendance vis-à-vis de la compagnie d’assurances. Il n’est pas un salarié payé à la commission. Il organise assez librement son activité. En France, le nouveau statut

43     Cf. Hatem GHARBI, mémoire précité p. 140 et s. Cass. fr. civ. 27/11/1984. Buîl-civ. I n° 318 p. 268. Dés lors que l’agent général d’une compagnie d’assurances auprès de laquelle une personne s’étant assurée par l’intermédiaire de cet agent, a ^.gi dans l’exercice de ses fonctions de mandataire de ladite compagnie, c’est cette dernière, et non son agent, qui peut être tenus de réparer le dommage causé à un tiers par la personne assurée,

44     Même s’il touche des commissions, l’agent d’assurances n’est pas un commissionnaire, car le premier est lié par un mandat avec représentation (Art. 69, 2 du C. assur. ) alors que le second qui agit en son propre nom, est lié par un mandat sans représentation ( Art. 601 C. corn).

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des agents généraux d’assurances de 1996 énonce que cet intermédiaire exerce une activité indépendante de commercia­lisation et de services d’assurances en vertu d’un ou de plusieurs mandats écrits délivrés par une ou plusieurs entreprises d’assurances. L’activité indépendante a été préférée à la notion de mandataire rémunéré 4S.

Il faut ajouter que, comme tout intermédiaire en assurances, l’agent doit obligatoirement être entendu par la commission prévue par la loi avant de donner son avis sur le retrait de la carte professionnelle et la radiation de l’inscription au registre des agents d’assurances (Art. 75 du C. assur.). Ceci nous amène à la principale question de la protection de l’agent à la fin du mandat.

B La protection de l’agent à la cessation de ses  fonctions

Les agents d’assurances sont des mandataires encadrés par la loi. Cet encadrement vise, entre autres, leur protection à la fin de leur mandat.

La première manifestation de cette protection, c’est qu’en cas de rupture unilatérale du contrat, l’agent a droit à un délai de préavis. C’est ce qui résulte de l’article 626 du Code de commerce, car l’agent d’assurances est un type d’agent commercial.

Certes le respect du délai de préavis est bilatéral, mais c’est souvent le mandant ( l’entreprise d’assurances ) qui résilie le contrat d’agence.

La deuxième manifestation de la protection provient du fait que le mandat qui lie l’agent à la compagnie d’assurances est un

45 Cf.   Yan  LE  CAE,  libres propos  sur le  nouveau  statut des  agents  généraux d’assurances, Gaz-Pal. 1996 II p. 1149.

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mandat qui est qualifié d’intérêt commun . La compagnie mandante ne saurait le révoquer unilatéralement sans motifs légitimes. C’est une dérogation au principe de la révocabilité du

mandat ad nutum ( Art. 1160 C.O.C. ) “7. La Cour de cassation française a jugé fautive la résiliation massive des polices par l’entreprise d’assurances visant à les faire échapper au portefeuille de l’agent, et à priver ce dernier de leur exploitation par voie de conséquences ; ce mandataire a droit à des dommages-intérêts

(Art. 1171) 4S. La résiliation des contrats d’assurances par l’entreprise mandante ne doit pas être une mesure dirigée personnellement contre son intermédiaire.

La troisième manifestation de la protection de l’agent d’assurances apparaît à travers son droit à une indemnité à la cessation de ses fonctions.

Selon l’art. 78 al. 2 du C. assur. l’agent d’assurances qui renonce de son propre gré au mandat ” bénéficie d’une indemnité compensatrice”. Cette indemnité lui est attribuée a fortiori s’il n’a pas renoncé au mandat de son propre gré, par exemple à la suite d’un accident ou d’une maladie qui l’empêche de continuer l’exercice de ses fonctions.

L’indemnité qui est payée par l’entreprise mandante, consiste dans une somme d’argent, compensatrice des droits de créance que l’agent abandonne sur les commissions afférentes au portefeuille des contrats d’assurance. C’est une garantie fondamentale octroyée aux agents d’assurances.

Il s’agit ” de rémunérer par cette indemnité de sortie, la progression du portefeuille qui tient au travail accompli par l’agent

46    Cf. en ce sens Hatem GHARBI, mémoire précité p,   11 et 22 et  1   ; Cass. fr. civ.  1/7/1986, Rev. gén. ass. terr.  1986, p. 612.

47    Ad   nutum, littéralement : sur simple signe de tête.

4 8 Civ. 27/5/1997 Rev. gén. dr. assur. 1997, p. 895 note D. LANGE.

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sortant, et dont profite la compagnie ” . C’est pourquoi en cas de décès de l’agent, l’indemnité compensatrice est accordée à ses ayants droit ( art. 78 – II du C. assur.).

Le Code des assurances renvoie ou traité de nomination-type pour la fixation de la méthode de calcul et les conditions de paiement de l’indemnité ( Art. 78 II ). Mais la loi portant promulgation du Code 50 a prévu une disposition transitoire pour les agents d’assurances agrées et en fonction à date de la loi et qui étaient soumis à ses dispositions. Ces agents continuent de bénéficier de l’indemnité compensatrice dans les conditions prévues à l’art. 20 et suivants de l’arrêté du 4 octobre 1950 portant homologation du statut des agents A.I.R.D.. Selon ce texte réglementaire, l’indemnité est déterminée par accord amiable entre les parties, ou a défaut, à dires d’experts ( Art. 22 al. 1 Statut). Ce recours à l’expertise amiable n’est pas un préalable obligatoire à la saisine des tribunaux, pour désigner un expert judiciaire en vue de fixer l’indemnité compensatrice   .

En ce qui concerne les anciens agents toujours, l’indemnité doit en principe être réglée par un paiement unique effectué dans un délai maximum de six mois suivant la date de cessation des

fonctions ( Art. 21 Statut )52.

Au terme de cette brève étude sur les agents d’assurances, il convient d’abord de remarquer que la réglementation de cet intermédiaire est une illustration du phénomène de la spécialisation

49    J. BIGOT et D. LANGE, article précité p. 838.

50    Art. 3 al. 2 de la loi du 9 mars 1992.

51    Cf. en ce sens Cass. fr. civ. 3/11/1982 Bull. civ. I n° 309, R.G.A.T. 1983 p. 340.

52    Pour plus de détails, cf. Yvon LOUSSOUARN et Pierre DRANCEY, l’indemnité compensatrice des agents généraux d’assurances J.C.P. 1975 I 2701 ; Jacques DESCHAMPS, op.cit., n° 173 et s.

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des contrats spéciaux 53. Le mandat est un contrat spécial . La commission et l’agence commerciale sont des espèces de mandat. L’agence d’assurance est une variété d’agence commerciale.

Il convient aussi et surtout de s’interroger sur l’avenir de

l’agent d’assurances. A ce propos M. Pierre DRANCEY 54 écrit en 1982 que ” c’est au prix d’un sérieux effort d’adaptation de son statut et de ses fonctions, entrepris conjointement avec les sociétés d’assurances, dont il devrait demeurer le partenaire privilégié, qu’il méritera de survivre comme distributeur et gestionnaire d’assurances, face aux qualités humaines déterminantes “.

Il faut insister sur l’avenir de l’agent d’assurances après l’apparition de nouvelles formes de distribution, à savoir les

réseaux bancaires ( d’où le mot bancassuranceS5 ) et la distribution à distance avec le développement des réseaux de communication, et notamment l’Internet. Les contrats sont conclus par voie électro­nique, et on parle couramment de commerce électronique.

La remise en cause des formes traditionnelles de distribution de l’assurance laisse entrevoir le retour à la distri-bution directe, un ” retour au origines ? ” 57.

Les formes nouvelles de distribution ne sont-elles pas une menace pour les intermédiaires ?

Cette question nécessiterait la tenue d’une journée de séminaire.

5 3 On parle aussi de sous-spécialisation des contrats : Cf. Alain BENABENT, op.cit. n° 7 p. 622, p. 357.

54    L’agent   général   d’assurances,   qualité  juridique   et   liberté   de   placement ARGUS 1982 cité en exergue par M. Hatem GHARBI, mémoire précité

55    On parle aussi d’assurbanque ou d’assurfinance.

56    Mme Y LAMBERT FAIVRE ( op.cit. n° 182 ) parle d’éclatement des formes traditionelles de distribution.

57    Jacques LARRIEU, de la distribution en réseaux à la distribution sur le réseau.

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