L’INTERET DE L’ENFANT
Ali JELLOULI
Maître- assistant à la Faculté de Droit de Sfax (Tunisie)

L’enfant est généralement considéré comme une source de jouissance, pour ses parents. Dieu dit à ce propos. “les richesses et les enfants sont les ornements de la vie mondaine L’enfant est, par instinct, protégé par ses parents. Ils lui assurent les conditions propices pour sa croissance son éducation et son bien-être. Mais les difficultés apparaissent lorsque l’enfant est orphelin de père et mère, ou qu’il est abandonné par ses parents ou aussi en cas de conflit entre ces derniers et qu’il est l’enjeu de procès acharnés. Dans ces cas, l’enfant a besoin d’une protection juridique, particulière en raison de son manque de maturité physique et intellectuelle. Parmi les manifestations de cette protection, on trouve l’obligation de privilégier l’intérêt de l’enfant.

(1) Sourate XVIII (la caverne) verset 46 cf. aussi Sourate III (la famille de Omrane) verset 14.
(*)prjncjpales abréviations
Bu!!.: Bulletin de la Cour de cassation (en arabe)
. C.D.R. : Code des droits réels.
C.O.C.: Code des obligations et des contrats.
C..S.P. : Code du statut personnel.
R.J.L. : Revue de jurisprudence et de législation, Tunis (en arabe). R.T.D. : Revue Tunisienne de Droit (bilingue).
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Mais d’abord qui est-ce qu’on entend par enfant? Pour répondre à cette question, disons que les textes de droit interne n’ont pas défini le terme enfant. Il faut comprendre par là que l’enfant est toute personne qui n’a pas atteint l’âge de la majorité, qui est de 20 ans en matière civile et 18 ans en matière pénale. Quant à la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant, elle indique dans son article premier que l’enfant” s’entend de tout être humain âgé de moins de dix-huit ans, sauf si la majorité est atteinte plus tôt en vertu de la législation qui lui est applicable” . Donc on constate qu’en matière civile, il n’y a pas de concordance entre la conception tunisienne de l’enfant et celle de la Convention internationale.
Ceci étant, la considération de l’intérêt de l’enfant est consacrée dans plusieurs textes de droit interne et dans un certain nombre d’articles de la Convention relative aux droits de l’enfant. C’est une formule relativement nouvelle. Elle est restée fort longtemps ignorée des juristes°. La raison de cette ignorance est que les relations familiales faisaient peu de place à de telles préoccupations. le droit veille à la solidité et à la cohésion du groupe familial. En ce sens le préambule de la Constitution Tunisienne (de 1959) vise “la protection de la famille”.
Ensuite, on s’intéressait à la promotion de la femme, pour lui accorder des droits égaux à ceux du mari. Ce n’est que récemment qu’on s’est orienté vers la protection des enfants, pour progresser leur cause. Le souci de sauvegarder l’intérêt de l’enfant est le prolongement des mesures législatives favorables à l’enfant, en matière civile(incapacité d’exercice, tutelle), en matière sociale (âge minimum de travail et condition de travail pour protéger la santé du mineur) et en matière pénale (juridictions pour enfants).

(1) En ce sens Marc DONNIER, l’intérêt de l’enfant, D, 1959 chr, P. 179

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Cet objectif est la conséquence de la conviction qu’il faut accorder à l’enfant une protection et une attention particulières. L’enfant est l’avenir, il est le seul moyen dont l’homme dispose pour façonner quelque peu cet avenir
. Apparue discrètement dans le droit des obligations et des contrats (2) puis dans la procédure pénale (3), la notion d’intérêt de l’enfant a émergé dans le droit de la famille. C’est une notion inflationniste venant inonder les institutions familiales (4) La prise en considération de l’intérêt de l’enfant est devenue une préoccupation primordiale. Ce qui marque aussi l’importance de cette notion, , c’est la reconnaissance jurisprudentielles d’une obligation de privilégier l’intérêt de l’enfant , chaque fois que le juge se trouve appelé à prendre une décision qui le concerne, c’est aussi l’affirmation ou la réaffirmation de la prééminence de l’intérêt de l’enfant par la Convention relative aux droits de l’enfant. Cet intérêt doit primer toute autre considération. C’est ce qu’elle entend par” intérêt supérieur de l’enfant”.

(1) C.f. Ridha MEZGHANI, la protection des mineurs dans les législations arabes, Centre arabe des études stratégiques et de l’apprenti ssage , Riad, 1410/1990 (en langue arabe).
(2) (2) Le C.O.C. emploie les expressions d’utilité et d’intérêt du mineur.
(3) (3) C.f. le décret du 30 juin 1955 relatif au statut de l’enfance délinquante devant les juridictions tunisiennes (art. 7,9 et 14).
(4) (4) J. et A. POISSON, l’affection et le droit C.N.R.S. Paris 1990 p 73 cité par François BOULANGER, droit civil de la famille T II. Aspects comparatifs et internationaux,Economica, 1994 n° 228 p 253
(5) (5) C.f. en ce sens : claire NEIRINCK, le droit de l’enfance après la Convention des Nations Unies, col. Delmas, Paris 1993 n°21 p 17.

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Cette formule soulève beaucoup de questions. On s’est interrogé d’abord sur la portée de la référence à l’intérêt de l’enfant. On s’interroge encore sur ce que recouvre précisément cette notion, et quel est l’impact de l’entrée en vigueur de la Convention des N.U. sur notre droit interne . C’est la recherche que nous voudrions tenter ici d’autant que la doctrine en Tunisie ne lui a consacré aucune étude d’ensemble Nous étendons notre investigation aux textes et aux décisions qui font état de l’intérêt de l’enfant.
Pour répondre aux questions posées, il convient d’observer que l’intérêt de l’enfant est marqué par une certitude et une incertitude. La certitude concerne la portée de la considération de l’intérêt de l’enfant. Cette notion est un leitmotiv des textes applicables aux enfants. Sa sauvegarde est une préoccupation fondamentale pour toute personne appelée à prendre une décision et même une norme à l’égard d’un enfant. Mais l’intérêt de l’enfant est marqué par l’incertitude relative à la détermination de son contenu. C’est un concept à contenu variable et indéterminé. Comme l’écrit le Doyen Carbonnier, l’intérêt de l’enfant est une clef qui “ouvre sur un terrain vague” (20)

(1) Sur l’intérêt de l’enfant en matière de garde cf. Mohamed BEJI, la garde de l’enfant en droit tunisien, mémoire de D.E.S, Fac Dr. sc. pol., et éco. TUNIS, 1977-1978 p 113 et s. , B. FERCHICHI, réflexions sur la hadana dans la jurisprudence tunisienne, R.T.D. 1978 -1er partie( en langue arabe) p.9 et s.
(2) (2) Jean CARBONNIER, droit civil, tome 2, la famille coli. Thémis, dr. pr. 16 éd. P.U.F 1993 n° 192 p. 287. 4

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Ainsi nous verrons que la considération de l’intérêt de l’enfant est un principe général de droit (I) et que cette notion est un standard juridique (2)((II).
I . LA CONSIDERATION DE L’INTÉRET DE L’ENFANT, UN PRINCIPE GENERAL DE DROIT
La référence à l’intérêt de l’enfant a acquis une portée très large. Ce principe de la prééminence de cet intérêt est d’abord reconnu par notre droit positif interne (A) ensuite il est réaffirmé par la Convention relative aux droits de l’enfant (B), tout en étendant le champ de l’obligation de privilégier l’intérêt de l’enfant.

A) LA RECONNAISSANCE DU PRINCIPE PAR LE DROIT POSITIF INTERNE
La principe de la considération de l’intérêt de l’enfant apparaît non seulement à travers la référence rituelle des textes à ce concept, mais aussi à travers l’élargissement jurisprudentiel de la portée du respect de l’intérêt de l’enfant. Les tribunaux ont affirmé l’attachement à cette notion en dehors et au delà des cas exprimés par la loi.
5 La primauté de l’intérêt de l’enfant, en tant que principe général, apparaît dans les différentes situations patrimoniales et extrapatrimoniales

(1) A côté des “quelques règles générales de droit” consacrées dans les articles 532 à 560 du C.O.C. cf. spéc. l’art. 535.
(2) Sur la différence entre le standard juridique et le principe général de droit cf. Abderrazak ESSANHOURY, le standard juridique, études François GENY, T. II. p 144 et s.

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. Pour ce qui concerne les premières situations, le tuteur doit administrer les biens du mineur conformément à la loi et dans l’intérêt de ce dernier De même, l’autorisation du juge (des tutelles) pour tout acte de disposition des biens du mineur n’est accordée que dans les cas de nécessité et d’utilité évidente du mineur2.Cette utilité doit aussi justifier l’autorisation accordée au représentant légal du mineur pour continuer le commerce pour le compte de ce mineur (3) Le C.O.C. exige un “intérêt sérieux” de l’héritier mineur pour l’autoriser à continuer la société (4)• Il énonce aussi que le mineur ne peut se porter caution, même avec l’autorisation de son père ou tuteur, s’il n’a aucun intérêt dans l’affaire qu’il garantit (5), En matière de partage, s’il y a opposition d’intérêt entre un mineur et son représentant, il sera nommé, par ordonnance sur requête, un tuteur ad hoc .

En matière d’immatriculation immobilière, le juge rapporteur doit, entre autres, veiller à ce qu’aucun doit réel immobilier appartenant au mineur ne soit lésé. Le président du tribunal immobilier peut, sur la demande du juge rapporteur faite dans l’intérêt du mineur, accorder une prorogation de délai à l’effet de former oppositions, en son nom, à une réquisition d’immatriculation.

(1) Art. 5 du décret du 18(7/1957 sur l’organisation et la nomination des tuteurs et le contrôle de leur administration et comptes de gestion.
(2) (2) Art 15 du C.O.C.
(3) (3) Art 17 du C.O.C.
(4) (4) Art. 1325.
(5) (5) Art1480.
(6) (6) Art. 118 C.D.R. qui remplace l’article 1353 C.O.C.

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La reconnaissance du principe de la considération de l’intérêt de l’enfant se manifeste aussi et surtout dans les situations extra patrimoniales.
La référence à l’intérêt de l’enfant est faite à propos des juridictions répressives compétentes, dans quelques articles du C.P.P. de 1968. Aussi selon l’article 230 ancien (2) le juge cantonal peut, dans l’intérêt de l’enfant, décider l’adoption d’une mesure de surveillance (3)• Selon l’article 230 nouveau du C.P.P. le juge des mineurs siège sans nécessité de présence du mineur qui a accompli une contravention , sauf si son intérêt l exige.
Cet intérêt permet au juge des mineurs de dispenser le prévenu mineur de comparaître à l’audience. Dans ce cas, le prévenu est représenté par un avocat, par un de ses parents, son tuteur ou le personne qui en a la gardé (4)•
Selon l’article 234 du C.P.P le juge des mineurs effectue toutes diligences et investigations utiles pour parvenir à la manifestation de la vérité et la connaissance de la personnalité du mineur, ainsi que des moyens appropriés à sa rééducation. Il peut prendre une des mesures prévues par la loi (enquête sociale)
Placement du mineur dans un centre d’observation etc.
Toutefois il peut dans l’intérêt du mineur, n’ordonner aucune de ces mesures ou ne prescrire que l’une d’entre elle. Dans ce cas il rend une

(1) Art. 329 C.D.R
(2) Avant sa modification par la loi n° 93-73 du 12/7/1993.
(3) cf. art. 7 du décret du 30/6/1955 précité.
(4) 239 C.P.P. cf. art 14 du décret du 30/6/1955 précité. 7

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décision motivée (1),
La référence à l’intérêt de l’enfant apparaît surtout dans le droit de la famille . Ainsi selon l’article 32 C.S.P, les parties à une instance en divorce peuvent s’entendre à renoncer expressément aux mesures urgentes, à condition que cette renonciation ne suive pas à l’intérêt des l’enfants mineurs. C’est l’idée de protection de l’enfant contre ses parents. La jurisprudence est allée plus loin. Il a été jugé (2) que l’accord entre le père et la mère sur le montant de la pension alimentaire ou sa renonciation à son droit au logement ne la prive pas de ce droit et ce dans l’intérêt de l’enfant (3)
Selon le même article 32, en cas de divorce par consentement mutuel, le juge peut raccourcir la procédure tant que cela m’affecte pas l’intérêt des enfants.
L’intérêt de l’enfant doit être pris en considération pour tout ce qui concerne la garde. Aussi en est-il pour son attribution à la
suite du divorce ou même du décès de l’un des parents (2), ou pour sa modification, à la suite d’une renonciation de celui à qui cette garde

(1) c.f l’article 9 du décret 30/6/1955
(2) Cass. Civ. 1892 du 18)7/1960, R.J.L 1960 p. 601
(3) On constate une sorte de faveur remontante, puisque la protection de l’enfant est étendue à l’époux (parent) avec lequel il vit.

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été confiée (3) ou en dehors de renonciation4. De même, si la titulaire du droit de garde doit être non mariée, il en est autrement, entre autres, si le juge estime le contraire dans l’intérêt de l’enfant (5),
Selon l’article 60 C.S.P., le père, le tuteur et la mère de l’enfant peuvent avoir un droit de regard sur l’enfant, pourvoir à son éducation et l’envoyer aux établissements scolaires, mais l’enfant ne peut passer la nuit que chez celui qui en a la garde, le tout sauf décision contraire du juge prise dans l’intérêt de l’enfant.
Dans le même sens, si la garde de l’enfant est confiée à la mère, le père ne pourra le sortir du lieu de résidence de la mère qu’avec le consentement de celle-ci, tant qu’elle conserve le droit de garde, à moins que l’intérêt de l’enfant n’exige le contraire (6),
(1) cf Art. 67 C.SP. cour. cass. civ. 6522 du 19/10/198 1 Bule, IIIp 259; civ. 36815 du 8/3/1993, R.J.L. 1994 n° 1 p. 89.

(2) cf. Cass.Civ. 10473 du 11/5/1975 Buil. civ II p. 83 ; civ. 5014 du 12/5/198 1
(2)
Buli. civ I p 304 ; civ. 8625 du 5/7/1983 BuIl. civ II p 180, en ce sens: Rachid SABBAGH, l’évolution du droit de garde dans les pays du Maghreb, R.T.D. 1969-1970 p 9 et s. contra civ. 31481 du 21/4/1992 RJ.L. 1994 n° 1 p. 83
(3) Tunis 59861 du 6/7/1967, R.T.D. 1968, p 195, civ. 31481 du 21/4/1992, précité.
(4) cf. cass. civ. 4875 du 4/8/1966, R.T.D. 1968 p 111 note E.L.; civ. 5431du 26/6/1967, Buil. civ. p 49, civ 11107 du 5/2/1985 Buil. civ I p 127, civ. 23972 du 2/5/199 1 Buli, civ. p 148.
(5) Art. 58 C.S.P
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(7) Art. 62 C.S.P. 9

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Par ailleurs, cet intérêt est pris en considération pour la révision du droit de visite lorsque son exercice fait l’objet d’un accord entre les parents (1) et pour la destitution des prérogatives tutélaires appartenant au père au profit de la mère gardienne2.
L’intérêt de l’enfant doit être pris en considération en matière de tutelle officieuse (Kafalah) et d’adoption. Ces deux institutions n’ont pas tellement pour raison d’être la consolation des couples stériles, mais l’avantage de l’enfant d’être élevé dans une famille.
Ainsi, pour le contrat de tutelle officieuse, normalement il prend fin à la
majorité de l’enfant. Seulement le sauvegarde de l’intérêt de ce dernier justifie la résiliation judiciaire anticipée du contrat(4)
En ce qui concerne l’adoption, la loi et la jurisprudence font appel à l’intérêt de l’enfant pour dispenser l’adoptant veuf ou divorce de la condition de mariage et d’une façon générale pour apprécier l’opportunité de l’adoption5. Ce même concept est invoqué non seulement pour retirer la garde de l’adopté à l’adoptant qui a failli à ses obligations

(1) Cf. Tunis 58130 du 10/11/1965 R.T.D. 1966-1967 Som. p 272.
(2) Le dernier al. de l’article 67 C.S.P indique un certain nombre de causes qui justifient cette destitution (empêchement)d’assurer la tutelle, comportement abusif, négligence, absence prolongée du domicile purs joute” ou pour toute autre cause portant préjudice à l’intérêt de l’enfant”
(3) cf. la loi n° 58-27 du 4/3/1958 relative à la tutelle publique à la tutelle officieuse et à l’adoption.
(4) Art. 7 de la loi du 4/3/1958.
(5) Art. 9 de la loi du 4/3/1958 justice cantonale Tunis 2272 du 26/121974 R.T.D. 1975, 2, p. 117 et s. note Kaithoum MEZIOU. 10

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°mais aussi pour admettre la révocation de l’adoption (2)
Ainsi on constate que le domaine de sauvegarde de l’intérêt de l’enfant est très large, et que notre droit positif interne se trouve en harmonie avec la Convention relative aux droits de l’enfant, laquelle a réaffirmé la prééminence de cet intérêt.
B- LA RÉAFFIRMATION DU PRINCIPE PAR LA CONVENTION SUR LES DROITS DE L’ENFANT .
La Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant a
édicté l’obligation de privilégier l’intérêt de l’enfant dans plusieurs
hypothèses particulières après avoir formulé un principe de la primauté de la considération de cet intérêt, dans une disposition d’ordre général.
S’agissant d’abord des hypothèses particulières, elles concernent les matières civiles et pénales.
En matière civile, le souci de considérer l’intérêt supérieur de l’enfant intéresse d’abord la relation de l’enfant avec ses parents. Selon l’article 9 alinéa 1er de la Convention, les Etats veillent à ce que l’enfant ne soit pas séparé de ses parents contre leur gré, à moins que les autorités compétentes ne décident, sous réserve de décision judiciaire, que cette séparation est nécessaire dans l’intérêt supérieur de l’enfant
(1) Art. 16 de la loi du 4/3/1958
(2) cf. Béchir BEN HADJ YAHIA, la révocation de l’adoption en droit tunisien, R.T.D, 1979 I p 83 et s. Monastir 145 du 9/1/1986 , R.T.D. 1986 (partie en langue arabe) p 117 note Sassi Ben HALIMA; cass. civ.
(3)
295 du 23/3/1993 (Slaheddine et Fatma C. Hédi et Fadhila) inédit.

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L alinéa3 du même article édicte l’obligation de respecter le droit de l’enfant, séparé de ses deux parents ou de l’un d’eux, d’entretenir régulièrement des relations personnelles et des contacts directs avec ses deux parents, sauf si cela est contraire à l’intérêt supérieur de l’enfant. Dans le même ordre d’idées, la Convention dispose que tout enfant qui est temporairement ou définitivement privé de son milieu familial, ou qui dans son propre intérêt, ne peut être laissé dans ce milieu, a droit à une protection et à une aide spéciale de l’Etat.
Cette protection dite de remplacement peut avoir la forme de placement familial 2de tutelle officieuse ou d’adoption.
La considération de l’intérêt de l’enfant concerne aussi cette dernière mesure Ceci apparaît pour les Etats qui admettent l’adoption à travers les conditions exigées par l’adoptant, les obligations qui présent à sa charge et la possibilité de mettre fin a l’adoption.
La considération de l’intérêt de l’enfant concerne en 3 lieu la responsabilité d’élever l’enfant et d’assurer son développement. Cette responsabilité incombe aux parents de l’enfant et à défaut à ses représentants légaux. Ces responsables doivent être guidés

(1) Le même texte donne des exemples de cas où une décision en ce sens peut être nécessaire: lorsque les parents maltraitent, ou négligent l’enfant ou lorqu’ils vivent séparément et qu’une décision doit être prise au sujet du lieu de résidence de l’enfant. (2)
(2) cf la loi n° 67-47 du 21/11/1967 (3) Art. 20 de la Convention

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avant tout par l’intérêt supérieur de l’enfant
Cette idée de recourir à cet intérêt est énoncée également dans la matière pénale .Selon la Convention internationale , les Etats parties veillent à ce que tout enfant suspecté ou accusé d’infraction à la loi pénale ait le droit à ce que sa cause soit entendue sans retard par une autorité ou une instance judiciaire, en présence de son conseil juridique ou autre, et, à moins que cela ne soit jugé contraire à l’intérêt supérieur de l’enfant, en raison notamment de son âge ou de sa situation, en présence de ses parents ou représentants légaux (2)
Les Etats parties doivent veiller à ce que tout enfant privé de liberté sont traité avec humanité et avec le respect du à la dignité de la personne humaine et d’une manière tenant compte des besoins des personnes de son âge. En particulier, tout enfant privé de liberté sera séparé des adultes, à moins que l’on n’estime préférable de ne pas le faire dans l’intérêt supérieur de l’enfant(3)
, Outre ces hypothèses particulières où elle fait appel l’intérêt supérieur de l’enfant, la Convention renferme une disposition à caractère général édictant la prise en considération de cet intérêt par toute personne appelée à prendre une décision ou même une norme à l’égard de l’enfant. Il s’agit de l’article 3 qui énonce que “dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu’elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale”.
Il n’y a plus de doute que la primauté de l’intérêt de l’enfant a valeur de principe général. Ce principe ne lie pas uniquement le juge, mais toute personne qui prend une décision relative à dans l’intérêt supérieur de l’enfant
(1) Art 18 de la Convention. (2) Art. 40-2-b. III. (3) Art. 37 de la Convention .

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L’intérêt de l’enfant est devenu la pierre angulaire des décisions prise à son égard, c’est pour cela qu’il est qualifié de “critère décisionnel ,,(1)•
L’intérêt de l’enfant doit être pris en considération par les parents, les représentants légaux(2,) par les instituions publiques ou privées de protection(.3) et par les autorités administratives, notamment lorsqu’elles décident la mesure de placement familial (4), L’intérêt de l’enfant doit surtout être privilégié par les organes législatifs et les tribunaux.
La Convention invite le législateur à introduire en droit interne tous les droits consacrés par ses dispositions et à porter ainsi son attention à l’intérêt supérieur de l’enfant5, Certaines solutions récentes ont été prises en ce sens. Ainsi en matière de divorce, la renonciation aux mesures urgentes n’est possible qu’à la condition qu’elle ne nuise pas à l’intérêt des enfants mineurs (art. 32 al. 6 C.S.P.). Le juge peut abréger la procédure en cas de divorce par consentement mutuel, à condition que cela ne porte pas préjudice à l’intérêt de l’enfant (Art. 32 al. 4 C.S.P.).
De même, le juge droit procéder à la tenue de trois audiences de conciliation, dont l’une ne doit pas être tenue moins de trente jours après celle qui la précède (art 32 al. 4 C.S.P).

(1) Claire Neirinck, op. cit. n° 21 p 17 et n°44 p 31.
(2) Art. 18 Convertion.
(3) cf. Pierre DELVOLVÉ. la protection de l’enfant en droit public, journées H. CAPITANT, les journées égyptiennes 1979 p 641 et s.
(4) cf. la loi précitée du 21/11/1967.
(5) cf. Hatem KOTRANE, la Tunisie et les droits de l’enfant , éd. Fonds des Nations Unies pour l’enfance. 14

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En matière de pension alimentaire, les aliments doivent être servis aux enfants jusqu’a ce qu’ils atteignent l’âge de la majorité. S’ils poursuivent leurs études, ils ont droit aux aliments jusqu’à l’âge de 25 (1) En outre, une procédure de recouvrement de la pension alimentaire a été prévue au profit des enfants issus d’un couple divorcé (2) Mais cette mesure n’est pas en totale harmonie avec l’article 27 de la Convention internationale car elle ne tient pas compte de l’intérêt de l’enfant qui n’est pas issu d’un couple divorcé.
Le législateur doit s’abstenir d’édicter des normes qui ne sont pas fondées sur l’intérêt de l’enfant, pour éviter le reproche adressé au législateur français de mépris de cet intérêt (3)
• Le législateur doit aussi abroger les dispositions qui sont susceptibles de nuire à l’intérêt de l’enfant. A titre d’exemple, l’article 66 du C.S.P. selon lequel le parent non gardien ne peut être empêché d’exercer son droit de visite est une disposition menacée par le principe énoncé dans l’article 9 de la Convention. Si le parent non gardien est indigne, il peut être empêché d’exercer le droit de visite. L’article 66 est une hypothèse où l’intérêt de l’enfant peut être sacrifié pour défendre l’intérêt des adultes.
(1) Art. 46 C.S.P. Ce texte ajoute que la fille continue à avoir droit aux aliments tant qu’elle ne dispose pas de ressources ou quelle n’est pas à la charge du mari. Selon l’al. 2, Les aliments continuent également à être servis aux enfants handicapés incapables de gagner leur vie sans égard à leur âge.
(2) (2) Création d’un fonds de garantie, cf art. 27 Convention des N.U. relative aux droits de l’enfant et art. 53 bis C.S.P.
(3) (3) cf.Françoise DEKEUWER-DEFOSSEZ, réflexions sur les mythes fondamentaux du droit contemporain de la famille, rev. tr. di. civ. 1995 p 249 et s. 15

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Bref le législateur doit porter son attention tant à l’intérêt de l’enfant qu’au respect de ses droits Sur le plan judiciaire, le principe de la primauté de l’intérêt de l’enfant, déjà ancré dans le droit interne, se trouve confirmé par l’article 3 de la Convention.
Par application de ce principe, le juge pourra priver un parent indigne (cas de brutalité alcoolisme, toxicomanie) de son droit de visite. Le droit de visite est une fonction sociale qui doit être exercée dans l’intérêt du mineur. L’intérêt de l’enfant peut fonder l’octroi d’un droit de visite à d’autres personnes que le parent qui n’a pas la garde et qui sont proches de l’enfant, telles que les grands parents (2), Le juge sera peut-être amené à revoir sa position sur la question de filiation naturelle (3), L’intérêt de l’enfant constitue un concept autour duquel gravitent toutes les décisions et dispositions qui le concernent. Cet intérêt se manifeste sous les formes les plus diverses. Tantôt, il est la cause de certains droits conférés à l’enfant Tantôt, il intervient

(1) En France, on a noté que certains droits énoncés par la Convention ont été mis en veilleuse au non de l’intérêt de l’enfant. (F.DEKEUWERDEFOSSEZ article précité p249.
(2) En France, le droit de visite est octroyé à une personne tierce qui a élevé l’enfant.
(3) CF. Elhem AZAIZ, de quelques aspects du droit de l’enfance face à la Convention des Nations Unies du 20 novembre 1989, mémoire D.E.A, Fac. Dr. Sc. Pol. Tunis, 1993/1994 p. 18, cf. une illustration du mépris de l’intérêt de l’enfant. Cass. Fr. Civ ere, 13/11/1985 Bull. civ I n° 303 p 269, D, 1987 som. p 317 obs. D. HUET-WEILLER. 16

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comme une exception à la force obligatoire de la loi (2) Tantôt, il intervient comme règle d’interprétation du droit positif °Tantôt, il intervient pour dénouer des conflits où les intérêts de l’enfant et de ses parents ou tuteur s’opposent (4), Bref, l’intérêt de l’enfant est” le motif déterminant des décisions prises à son sujet” . Mais si la considération de l’intérêt de l’enfant est un principe de droit, un objectif essentiel, son appréciation est essentiellement subjective, car ce concept est un standard juridique.
II. LA NOTION D’INTÉRET DE L’ENFANT, UN STANDARD JURIDIQUE
L’intérêt de l’enfant est une directive flexible, car c’est une notion cadre. Selon l’expression connue, cet intérêt est “une boite où chacun met ce qu’il souhaite trouver”. C’est une norme à contenu indéterminé. On s’interroge alors sur la méthode d’appréciation de l’intérêt de l’enfant (A) et sur les difficultés de cette appréciation (B).

(1) Ainsi la lésion donne ouverture à la rescision de l’obligation lorsque la partie lésée est un mineur, alors même qu’il aurait contracté avec l’assistance de sont tuteur: art. 61 du C.O.C.
(2) CF. art. 9 de la loi précitée du 4/3/1958 : dispense consentie par le juge en faveur de l’adoptant veuf ou divorcé de la condition de mariage.
(3) V. à titre d’exemple l’article 67 in fine C.S.P.
(4) V. à titre d’exemple l’article 32 al. 6 C.S.P., art. 7 et 14 de la loi précité du 4/3/1958, art 9 Convention.
(5) Art 301 du code du Québec.

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A-MÉTHODES D’APPRÉCIATION DE L’INTÉRÉT DE L’ENFANT
L’appréciation de l’intérêt de l’enfant se fait soit selon la méthode abstraite, soit selon la méthode concrète. Suivant l’appréciation in abstracto, la personne qui détermine l’intérêt de l’enfant part d’un postulat. Elle part de quelques catégories simples et précises pour trouver la solution qu’elle cherche. C’est la méthode suivie par de législateur. Celui- ci décide ce qui est présumé conforme à l’intérêt de l’enfant. C’est l’exemple de
l’attribution de la garde de l’enfant à la mère jusqu’à une âge déterminée C’est la solution du droit musulman et qui a été connue dans les droits occidentaux sous le nom de la doctrine de”l’âge tendre”. C’est une conception de l’intérêt de l’enfant qui est “défendable”2et défendue °.C’est aussi l’exemple de l’octroi du droit de visite au parent non gardien. Le législateur estime qu’il est de l’intérêt de l’enfant de demeurer avec ses père et mère en étroites relations d’affection (art. 66 al.l C.S.P.).
C’est aussi l’exemple de la prohibition de l’adoption par les législations d’inspiration islamique. C’est la solution retenue en droit tunisien jusqu’en 1959. La divergence de solution dans l’espace et dans le temps montre que l’intérêt de l’enfant est douteux et que son appréciation est subjective. La jurisprudence opte dans certains cas pour la définition abstraite ou objective de l’intérêt de l’enfant. On trouve une illustration en matière de conflit de filiation, et selon laquelle L’intérêt de l’enfant est

(1) Cf. Rachid SABBAGH, article précité; Kaithoum MEZIOU, note sous trb. pr. inst. de GROMBALIA 7/3/1977 R.T.D. 1978-1-95 et s.
(2) Jacques FOYER, note sous Paris 1/7/1974. Rev. crit. D.I.P. 1975 p 269 et s.
(3) Rachid SABBAGH, article précité. 18

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d’être toujours considéré comme légitime (1)
La doctrine a noté que sur le plan de l’appréciation objective, il est plus avantageux d’être un enfant légitime que d’être un enfant naturel, mais d’autres considérations peuvent entrer en ligne de compte pour déterminer l’intérêt de l’enfant.
C’est ce qu’a d’ailleurs admis la jurisprudence française dans l’hypothèse d’un conflit entre la filiation naturelle et une filiation légitime établie postérieurement donne la préférence à la filiation naturelle, dès lors que le parent naturel a démontré l’impossibilité — (2) de la filiation légitime
D’une façon générale, la jurisprudence opte pour la méthode subjective, concrète bien qu’ elle soit qualifiée de “contingente”3.
Dans l’appréciation un concreto ,le juge statue en fonction des circonstances propres à chaque espèce. La solution est empirique, elle diffère d’un cas à un autre selon les données concrètes. Pour attribuer la garde de l’enfant à l’un de ses parents on à une tierce personne, pour décider de l’opportunité d’une adoption, le juge se livre à une recherche plus sociologique que juridique de l’intérêt supérieur de l’enfant 4.
L’examen de la jurisprudence révèle que le détermination de cette notion implique la prise en considération des différents besoins de l’enfant (moraux, intellectuels, affectifs et physiques) de son âge, de sa santé, de son caractère, et de son milieu familial, le tout en vue de lui assurer un foyer nourricier, affectif et éducatif

(1) Cf. Paris 8/5/1947 D. 1948 p 6 note G. HOLLEAUX; cass. fr. 27/3/1950 D. 1951 p 435, J.C.P 1950 II 5561, S. 1952-1-12.
(2) (2) CF. Cass, reg. 6/5/194 1 D.C. 1941 p 108.
(3) (3) Mohamed BEJI, mémoire précité p 103.
(4) (4) Cass. civ. 36815 du 8/3/1993 R.J.L. 1994 n° 1 p. 89; juge cantonal Tunis 2272 du 26/121974 R.T.D. 1975-2 P 117 note Kaithoum MEZIOU; cf. aussi civ. 6707 du 15/7/1969 . Buil. p. 88 (transfert de la garde). 19
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Dans la recherche de l’intérêt de l’enfant, le juge peut tenir compte de trois éléments. Il peut prendre en compte les accords passés entre les parents. Ces accords sont suivis par le juge 2sauf s’ils ont été inspirés par des considérations proprement égoïstes de la part des parents, portant atteinte à l’intérêt de leur enfant (3)
Le juge peut entendre l’enfant et tenir compte des sentiments exprimés s’il est donné de discermement4, Il est à signaler qu’il ne faut pas identifier l’intérêt de l’enfant et son caprice. L’appréciation concrète ne saurait aller jusqu’à lier le juge par les préférences que l’enfant aurait
exprimées lors de son audition, car par hypothèse, la volonté de ce dernier est encore insuffisamment consciente. Il est certain qu’il ne saurait être question de laisser l’enfant seul juge de son propre intérêt dans un conflit de filiation , l’enfant choisira le père qui se trouve dans la meilleure situation de fortune.

(1) Cf. cass. civ. 56434 du 23/12/1963, R.J.L. 1965 P. 59 cf. en droit français Marc DONNIER, art. précit p 181 et 182.
(2) Tunis 58130 du 10/11/1965, RTD. 1966-1967 som. p 272 (droit de visite) . Tunis 58226 du 30/11/1965, R.J.L. 1966 p 72, R.T.D. 1968 p 103, note E.L. (garde conventionnelle).
(3) Cass. civ. 25913 du 8/5/1990 Buil. civ. p 259.
(4) CF. Cass. Civ. 5037 du 24/3/198 1 Buli civ. I p 147; Jérôme BONNARD,la garde du mineur et son sentiment personnel, rev. Ir. dr. civ. 1991 p49 et s. 20

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Le juge peut enfin recourir à une expertise sociale, pour rechercher l’intérêt de l’enfant . C’est une mesure facultative pour lui (2)
Le juge se livre souvent à une appréciation selon la coutume lato sensu. C’est ainsi quand la loi précitée du 18 Juillet 1957 (3) décide que le tuteur administre les biens conformément à la loi et dans l’intérêt du mineur, cela implique que pour juger cette conduite, il faudra se reporter à l’usage couramment suivi par les tuteurs en semblables hypothèses. L’appréciation de l’intérêt de l’enfant inclut une référence implicite à la coutume. L’intérêt de l’enfant, comme norme cadre, se veut l’instrument d’un droit flexible, c’est-à-dire d’une perpétuelle adaptation du droit à la réalité sociale, sans que pour autant qu’une modification du texte de droit soit nécessaire. Aussi l’article 67 du CSP qui autorise le juge à prononcer la déchéance des attributions de la tutelle pour l’une des causes spécifiées ou “ pour toute autre cause portant préjudice à l’intérêt de l’enfant “, permet de forger une décision adaptée et adaptable (4),
Mais toute médaille a son revers, la notion cadre de l’intérêt de l’enfant est parfois douteuse, et soulève des difficultés d’appréciation.

B) Difficultés d’appréciation de l’intérêt de l’enfant
Etant un standard juridique, la notion d’intérêt de l’enfant soulève des difficultés d’appréciation qui sont de deux ordres

(1) Cass. Civ. 5241 du 12/5/1981 Buli. civ. I p. 304
(2) . (2) CF. Cass. Civ. 5449 du 31/3/1981 Builtin I p. 184; civ. 24453 du 22/1/199 1, Buli. p. 145.
(3) (3) Art. 5
(4) (4) CF. aussi l’art. 9 de la loi précitée du 4/3/1958 21

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. Les premières sont d’ordre général, car on est en présence d’un intérêt évolutif, car l’enfant est une personne humaine “en devenir” Comme l’a écrit de doyen Carbonnier “l’enfance est mobile, plastique, et n’a du reste de signification que comme préparation à l’âge adulte” (2)• De ce fait, l’appréciation de l’intérêt de l’enfant est peut-être divinatoire et elle est nécessairement subjective.
La prise en considération de l’intérêt de l’enfant soulève aussi des difficultés particulières. Il n’est question que de donner quelques illustrations. On s’est demandé si l’enfant qui se rend chez un médecin à l’insu de ses parents bénéficie ou non du secret médical .Les parents doivent ils être mis au courant du diagnostic et du traitement?
La doctrine est divisée, la raison est que l’intérêt de l’enfant peut justifier la réponse négative et la réponse affirmative. En effet, certaines auteurs ne reconnaissent pas à l’enfant mineur un droit au secret, en raison de l’incapacité du malade et de l’obligation qui se sur le représentant du mineur de le protéger°. La divulgation permet au médecin de conseiller les parents ou représentants de l enfant

(1) Guy RAYMOND, la Convention des Nations Unies sur les droits de l’enfant et le droit français de l’enfance Convention du 20 novembre 1989 J.C.P. 1990 I 3451.
(2) J. CARBONNIER, note sous Paris 30/4/1959 D. 1960 J. P. 673.
(3) En ce sens AMZALAC, les seules exceptions au principe du secret médical,Gaz. Pal. 1971. 1. doctr. p 113. 22

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L’enfant, car celui-ci ne peut pas mesurer la gravité de son état.
En revanche, d’autres auteurs estiment que la révélation, même aux parents est en principe punissable. L’intérêt de l’enfant justifie le silence du médecin afin d’assurer le suivi du traitement. La divulgation du secret n’est autorisée que si l’enfant se trouve dans une situation de danger réel et immédiat La deuxième difficulté concerne l’adoption d’un enfant tunisien par un étranger non musulman. Cette adoption est-elle ou non conforme à l’intérêt de l’enfant?
La réponse n’est pas aisée. Il y a la thèse favorable à cette mesure, laquelle est instituée en faveur des enfants abandonnés. L’enfant a le droit de vivre dans une famille, sans égard à la religion de ses membres. le milieu familial est le milieu naturel pour la croissance et le bien-être de l’enfant (3)
Mais il existe aussi la thèse qui prohibe l’adoption par un non musulman, en raison de l’influence de la famille adoptive sur l’éducation religieuse de l’enfant. L’enfant tunisien n’a t-il pas un intérêt à être élevé dans la religion musulmane.
D’une façon générale, en cas de disparité de culte et de culture,l’admission de l’adoption est peu compatible avec “la nécessité d’une certaine continuité dans l’éducation de l’enfant, ainsi que de son origine ethnique, religieuse, culturelle et linguistique” (art. 20 al 3 de la Convention relative aux droits de l’enfant). L’adoption risque de rompre cette continuité.
La considération de l’intérêt de l’enfant soulève une autre difficulté voisine de la précédente,mais qui a été examinée par la jurisprudence. La difficulté concerne l’exequatur des décisions étrangères ayant accordé la

(1) Cf. sur la question Domitille DUVAL-ARNOULD, le corps de l’enfant sous le regard du droit, L.G.D.J. 1994, préface G. CORNU, p 142 et s.
(2) La Tunisie est le seul Etat musulman à avoir autorisé l’adoption, laquelle est prohibée en Islam. cf: Ridha MEZGHANI op. cit. p. 59.
(3) Justice cantonale Tunis 2272 du 26/12/74 RTD 1975- 2 p 117 note Kalthoum MEZIOU. 23
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garde des enfants au demandeur. La pratique judiciaire révèle que l’appréciation de la directive de l’intérêt de l’enfant est subjective, la difficulté est grande car au premier standard juridique, l’intérêt de l’enfant, vient s’ajouter celui de l’ordre public. Deux arrêts, l’un tunisien et l’autre français, sont à signaler ici. Les deux ont rejeté la demande d’exequatur sur la base de la notion d’ordre public.
Dans la première affaire, le conflit oppose un tunisien à son ex-épouse de nationalité allemande. Celle -ci a demandé l’exequatur de la décision rendue par la juridiction de Cologne et qui lui a accordé la garde de deux enfants issus de son mariage avec le plaideur tunisien. Ayant obtenu gain de cause devant les juges du fond, le père se pourvoitt en cassation pour violation de l’ordre public m La cour de cassation (2) a tout d’abord relevé que les enfants ont passé une bonne partie de leur vie en Tunisie, qu’ils sont inscrits dans les écoles tunisiennes, qu’ils sont habitués à la vie dans la prtie, que leur remise à leur même pour aller vivre à mère l’étranger (Allemagne) est contraire à leur intérêt, puis la Cour suprême a ajouté que la question de savoir si la décision objet de la demande d’exequatur est ou non contraire à l’ordre public doit être examinée sous l’angle de sa conformité ou non avec ce qu’exige la constitution tunisienne comme attributs fondamentaux de la famille et de la société, et dans la formation desquels s’intègrent les choix éducationnels, religieux et linguistiques( 3)

(1) CF art. 318 c. pr. civ. et com.
(2) Civ 200 du 15/5/1979 Buli I p 227, R.J.L 1980 P. 79 (arrêt de cassation), cf. aussi trib. pr. inst. GROMBAL, 7/3/1977R.T.D 1978 1-95 et s. note Kaithoum MEZIOU.
(3) Selon l’art. 1er de la constitution “ la Tunisie est un Etat libre… sa religion est l’islam, sa langue l’arabe… 24

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Cette considération suffit pour rejeter la demande d’exequatur Dans la seconde affaire, le conflit oppose une française à son ex-épouse de nationalité tunisienne. La Cour de cassation française a adressé un reproche à la Cour d’appel de Tunis accordant la garde de deux filles à leur père, tout en se référant au critère de l’intérêt de l’enfant La Cour de cassation française a estimé qu’une décision qui, en matière de garde d’enfants après divorce, se réfère à des critères de principe et non à la prédominance de l’intérêt effectif de ces enfants, en fonction des données concrètes, ne répondait pas aux exigences de l’ordre public français même atténue, et ne peut recevoir l’exéquatur2>,
Or se demande si la notion d’ordre public n’est pas utilisée consciemment ou inconsciemment comme un instrument de protection du plaideur national de sa religion ou de sa culture. Ne risque t-on pas de forcer la notion d’intérêt supérieur de l’enfant, puisque le juge de l’exequatur substitue son appréciation de l’intérêt de l’enfant à celle du juge étranger
. que l’on admet ou l’on rejette le reproche de la révision de la conception de l’intérêt de l’enfant (3), il est certain que l’appréciation de cet intérêt est tributaire des convictions religieuses. Les juges n’ont pas la même vision, ils ne s’inspirent pas toujours de la même “pédagogie” (4) c’est une preuve supplémentaire que l’intérêt de l’enfant est une clef “qui ouvre sur un terrain vague

(1) énoncé dans l’article 67 C.S.P
(2) (2) CF. Cass. fr. civ. 1er, 30/1/1979, aff. Najib BAYAR, Buil civ. I n° 37 p. 31, journal de D.I.P 1979 p 393 note Danièle MAYER, Rev. crit. D.I.P 1979 p 639 note Y. LEQUETTE.
(3) (3) C.f .D.Mayer note sous civ. 30/1/1979 précité François BOULANGER, droit civil de la famille T II. Aspects comparatifs et internationaux, économica 1994 n° 463 p 540.
(4) (4) Yves LEQUETTE, note sous cass. f. 30/1/1979 précitée.

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La notion d’intérêt de L’enfant, en tant que directive souple, ne doit pas mettre en cause la primauté de sa considération en tant que principe général du droit. L’enfant a acquis des droits, dont celui de la sauvegarde de son intérêt. Ce droit figurera certainement parmi les dispositions générales du futur code de (la protection de) l’enfance.
La consécration de ce droit est en harmonie avec le droit positif interne, avec les textes de la Convention sur les droits de l’enfant et avec le droit comparé >
. Mais si l’enfant a le droit à la primauté de son intérêt, cela ne doit pas aller jusqu’à lui accorder une sur, protection .L’article 10 du C.O.C. en est une illustration, puisque le mineur peut, après sa majorité attaquer l’obligation qu’il a contractée alors même qu’il aurait employé des manoeuvres frauduleuses pour induire l’autre partie à croire à sa majorité à l’autorisation du tuteur ou à sa qualité de commerçant. Cette solution est excessive, elle laisse impuni le comportement blâmable du mineur.

(1) Cf. Marc DONNIER, art, précité; Edith DELEURY et Dominique GOUBAU, le droit des personnes physiques, éd. Yvon BLAIS inc. 1994 n 592 et s. p 433 et s.

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